BODY POSITIVISME : LIBÉRATION OU NOUVELLE FORME D'ALIÉNATION ?
- Moderator
- 16 mars 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 mars 2022
Depuis une dizaine d’années, on entend beaucoup parler du mouvement 'body positive' qui a pris toute son ampleur sur les réseaux sociaux.

C'est quoi le body positivisme ?
Ce mouvement est né aux États-Unis en 1996 dont Connie Sobczak et Elizabeth Scott en sont les pionnières. Il a été créé par ce qu’on appelle les “fat activists” dans les 60’s.
Le but ? Normaliser les corps marginalisés, c'est-à-dire les personnes grosses, transgenres ou en situation de handicap par exemple. Le mouvement a vraiment été popularisé sur les réseaux sociaux au milieu des années 2010. Aujourd’hui son ampleur est juste phénoménale ! Pour preuve, le #bodypositive a été utilisé plus de 17,8 millions de fois sur Instagram, et de plus en plus de personnes s’approprient le mouvement, aussi bien des anonymes que des célébrités. Le body positivisme compte parmi ses ambassadrices célèbres le mannequin grande taille Ashley Graham, la grande brûlée Julie Bourges, la mannequin Sofia Jirau (égérie Victoria's Secret et atteinte de trisomie 21), ou encore la mannequin canadienne Winnie Harlow atteinte de vitiligo (une dépigmentation de la peau). Poils, cellulite, vergetures, cicatrices, acné, brûlures ou encore bourrelets, tous les défauts que notre société patriarcale met en avant, sont désormais les symboles d’un mouvement à part entière. Le body positivisme prône l’acceptation de soi pour déconstruire les injonctions faites aux corps et à l’absurdité des normes qui leur sont imposées.
Karin Lesnik-Oberstein est l’autrice de The Last Taboo : Women and Body Hair (2007), ouvrage au travers duquel elle retrace le tabou et dictat que représente l’épilation féminine. Les poils constituent en effet l’un des éléments-clés permettant de différencier le genre masculin du féminin. Ainsi, cesser de s’épiler pour une femme reviendrait à brouiller les frontières et à s’aventurer hors des sentiers battus. Cette autrice s’inscrit donc totalement dans le mouvement du body positivisme en revendiquant l’acceptation de corps féminins poilus.
Une figure emblématique : Queen Esie
Queen Esie, de son vrai nom Esther Calixte-Béa, est une artiste québécoise de 24 ans. En plus de son talent artistique, elle met en avant une autre particularité : une pilosité hors du commun. D’abord complexée, elle prend la décision dès 2019 d'arrêter de s’épiler suite aux ravages de cette pratique sur son corps. Derrière ce choix en vérité personnel se cache un acte de rébellion qui devient publique. Il s’agit d’une revendication presque politisée car assumer ses poils ne relève pas encore des normes esthétiques associées au genre féminin. Esther devient alors Queen Esie, elle se bat pour normaliser sa pilosité et revendiquer le simple droit d’être poilue. En cela, elle devient une figure du body positivisme, illustre cette lutte et en devient une militante.
« Je veux simplement montrer qu'on a le choix de se raser ou non »
« Normaliser le fait d’avoir des poils et les montrer sous un angle différent est devenu ma mission »
Même si ce choix relève d’un droit à disposer de son corps, les regards désapprobateurs, les commentaires de rue tout comme d’Internet montrent des formes de désaccord brutales et haineuses envers cette prise de liberté. Pour autant, elle l'assure : « C'est la meilleure chose que j'ai jamais faite, car je me sens plus sexy et à l'aise dans ma peau ». Considérés comme sales, non-hygiéniques, dégoûtants, les poils sont bannis des corps féminins desquels on préfèrera une peau lisse prépubère.
Body négativisme ?
Néanmoins, la question est de savoir si ce mouvement ne rajouterai pas une nouvelle injonction et encore plus de pression. Quand certains entretiennent une relation compliquée avec leur corps, voir d’autres personnes s’accepter malgré leurs défauts, ça fait culpabiliser. Si une personne avec des bourrelets dans le dos parvient à s’accepter comme cela, pourquoi moi j’en suis incapable ? Et là, c’est le drame. L’idée que l’on doit s’aimer à tout prix, n’est pas une évidence pour tout le monde. En effet, ce mouvement dénonce la critique permanente sur le corps mais impose en prime une obligation supplémentaire : celle de s’accepter à tout prix. L’amour de soi ne devrait vraiment pas être imposé comme une obligation.
De plus, ce mouvement n'est pas non plus toujours utilisé à bon escient. Il y a toujours ces stars du body positivisme avec une peau sans acné, hyper lisse, une silhouette en sablier à la Kim Kardashian et des cheveux longs de sirène. Or le body positivisme c’est le gras dans le dos, les boutons sur les fesses, les poils sur le visage…Bref il n’est pas censé y avoir un idéal de beauté au sens d’un mouvement comme celui-ci. En clair chacun fait ce qu’iel veut de son corps.
L'autrice Stéphanie Pahud fait partie des personnalités critiquant le body positivisme. Elle ne veut pas détruire les repères idéaux sous prétexte qu'ils ne sont pas « réalistes » : L'idéal de beauté est, comme son nom l'indique, un « idéal ». Ainsi ce n’est pas les détruire qui résoudrait le problème mais détruire leur emprise. Pour faire cela, nul besoin d’une d’acceptation de son corps, car il est en perpétuel mouvement. Du même coup, les médias ne devraient pas chercher à calquer la réalité, ou à créer de nouveaux standards de beauté davantage réalistes, car la perfection est inhérente au concept de beauté. Selon Stéphanie Pahud, cette libération ne peut se faire qu'en se créant un corps à soi, sur le modèle de la «chambre à soi» de Virginia Woolf, thèse qu'elle aborde dans son recueil de nouvelles érotiques, d'entretiens et de spéculations sur le rapport au corps : Chairissons-nous !
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