PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU : UN MANIFESTE DU REGARD FÉMININ
- Moderator
- 16 mars 2022
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 mars 2022
La question du genre féminin est en grand développement depuis ces dernières années. Les personnages féminins prennent de l’ampleur, leurs représentations se libèrent… Le contexte #metoo, #balancetonporc ou la nouvelle vague de féminisme sont des mouvements inévitablement pris en compte au sein du cinéma, à différentes échelles. La parole est rendue aux femmes, les violences qui leur sont faites ainsi que leur représentation sont remises au centre des discours, et donc de l'intérêt général.

Un véritable renouveau dans le domaine cinématographique
Si le Portrait de la jeune fille en feu représente le manifeste de ce contexte, Céline Sciamma en est la porte parole. L’émotion, l'honnêteté et le soutien de la réalisatrice pour ses personnages fait de ce film un discours et des images devenues indispensables de nos jours, s'imposant comme une véritable référence.
Ce militantisme grandissant favorise et met en lumière le film Portrait de la jeune fille en feu qui est la manifestation la plus criante de ce renouveau. De plus, il est l’exemple type, l’incarnation même du 'female gaze'. On peut, grâce à la construction et à l'évolution des personnages féminins, une représentation inédite de l’amour et du sexe lesbien à l’écran, affirmer que ce film est novateur, voire révolutionnaire. Iris Brey, théoricienne française du regard féminin explique en quoi le Portrait de la jeune fille en feu est un emblème de cette théorie :
« Parce que c’est un film où l’idée de désir éclot vraiment de la notion d’égalité. Et qu’en fait, c’est très rare de voir ça au cinéma, de voir deux personnes, deux femmes notamment, qui apprennent à s’aimer en se regardant à égalité. »
L'idée derrière le female gaze, et donc de ce film, est finalement assez simple : Il est question de rendre à la femme son statut de sujet. L'histoire ne doit plus seulement être racontée par le prisme masculin.
Pour Adèle Haenel, l’une des comédiennes : « Le regard masculin a été associé à un regard neutre pendant très longtemps, car l'immense majorité des films était produit par des hommes qui regardent des femmes ».
De plus, ce film comporte une scène de sexe manifeste du female gaze. Celle-ci sort des représentations stéréotypées de la sexualité et de la femme au cinéma qui illustrent les rapports sociétaux de pouvoir hommes-femmes. Pour Adèle Haenel, il s’agit dans ce film d’une “sexualité inventive”.
Une visée inclusive plus qu'inquisitrice
Cette représentation male gaze des corps féminins, en dépit du contexte et des mouvements féministes, est toujours visible et motif de création contemporaine. En effet, le festival de Cannes de 2019 a accueilli et projeté deux films contradictoires à savoir Portrait de la jeune fille en feu et Mektoub My Love d'Abdellatif Kechiche. Ce dernier donne à voir une représentation crue des femmes, de leurs corps et de leurs sexualités subies, film qui a donc été vivement critiqué.*
Céline Sciamma déclare à ce propos : « La critique française s'est retrouvée face à la question du male gaze et du female gaze, de ces enjeux autour du regard. Kechiche et moi-même faisons des films qui sont des formes de manifeste autour de ces questions ».

L’écart entre ces deux films, pourtant nés à la même époque et au sein du même contexte, est significatif mais néanmoins tout deux semblent autant appréciables et acceptables.
* N'oublions pas que lors du même festival, le film J'accuse ! de Polanski a considérablement été critiqué (même hué) pour avoir obtenu le César de la meilleure réalisation, alors que le réalisateur venait d'être accusé d'agressions sexuelles peu avant la sortie du film. Adèle Haenel a quitté la salle de cérémonie folle de rage, criant "La honte !".
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