top of page

"DON'T LOOK NOW", L'ANALYSE DES INSTABILITES SEMANTIQUES DES PHOTOS DE PIN-UP MASCULINS

Dernière mise à jour : 8 avr. 2022



« NE REGARDEZ PAS MAINTENANT ! » (1992). RICHARD DYER ANALYSE LES INSTABILITÉS SÉMANTIQUES DES PHOTOS DE PIN-UP MASCULINS.





L’hypersexualisation des corps féminins dépend évidemment du regard que l’on porte. Ces regards définis et ancrés socialement semblent dépendre du genre du modèle tout comme de celui qui regarde. Un auteur masculin, Dyer, s'est penché sur la question des jeux de regards, leurs valeurs et leurs divergences sur des corps dénudés féminins et masculins. Rendre compte de ce constat, nous permet de mettre en avant les inégalités de regard et les attendus portés sur les différents genres mais aussi d’en comprendre leur origine et leur sens.


Contrairement à Mulvey ou Brey que nous avons évoquées auparavant, Dyer se demande ce qu’il se passe quand des femmes regardent des hommes. Selon lui, sociologiquement ce simple regard constitue une transgression. L’éducation des femmes ne les encourage pas à regarder, contrairement aux hommes pour qui c’est un droit, le droit au regard leur est maintenu. Dyer se questionne et nous questionne sur le droit au regard, qui le possède et qui est regardé ? Il travaille notamment sur la réception et les regards des photographies de pin-up aussi bien masculines que féminines.




Par définition, des images d’hommes destinées aux femmes sont transgressives. Les femmes n’étant pas prioritairement élevées à regarder, ces images renversent les codes rien que par leur existence et correspondent à une instabilité et une fragilité des corps. Pour Dyer, les femmes doivent apprendre à regarder les hommes. Elles ont un regard timide et bref contrairement à celui des hommes qui est insistant. Dans les pin-up masculins à destination des femmes, les hommes ne regardent pas la spectatrice, mais vers le haut. A l’inverse, les regards des pin-up femmes s'arrêtent à l’objectif, et ne vont pas au-delà. L’homme désire quelque chose qui est hors du cadre, au-delà de la spectatrice. Ils dégagent une notion de domination au même titre qu’une certaine spiritualité. Son regard droit et insoumis met en avant la figure de l'intellectuel et de la dimension spirituelle propre aux hommes. Il est dominant. Cette position assurée et fière élève le regard des femmes. Ces photographies dévalorisent alors le fait de regarder plus bas, on écarte le sexe de l’homme en renforçant et dirigeant son regard en hauteur. Les pin-up masculins n’ont donc finalement que très peu à voir avec les sexualités des hommes que l’on regarde et celles des femmes qui regardent. Dyer suggère alors que ce serait la raison pour laquelle les pin-up hommes ont moins de succès que les femmes.



Dyer développe un autre aspect important lié au regard, celui de la passivité. Il déconstruit alors le constat suivant : regarder rend actif et être regardé rend passif. Selon lui, il y a un balancement entre ces activités. En vérité, les corps féminins et masculins sont en mouvance perpétuelle entre activité et passivité, mais chaque corps la vit différemment. Les modèles de pin-up femmes comme hommes se préparent à être regardés, même dans une activité de pose les modèles sont actifs, ils se savent regardés et donc agissent en conséquence.


Cependant, c’est dans le refus des hommes d’afficher une passivité que se séparent masculin et féminin. Les hommes sont en mouvement et les femmes allongées. Les pin-up masculins sont donc actifs dans le fait de poser quoiqu’ils fassent, mais ils se doivent de le montrer. Dans leurs images, les hommes dépendent du pouvoir social et des codes de classes mais aussi de races. Dyer fait le constat que les hommes noirs sont attachés à leur physique le plus souvent par le sport et les hommes blancs à une activité plus intellectuelle du travail ou du loisir. La mise en scène des corps n'est pas la même. Mais de manière plus générale, les hommes sont démonstratifs dans leur actions, on rappelle leur musculature, leur force naturelle qui domine les femmes et est la preuve de la force symbolique masculine. Ils refusent une quelconque passivité affichée, leur corps étant le vecteur de leur force. Pour aller plus loin, les pin-up sont donc le fruit de la tension entre ce qu’il faut représenter, la puissance symbolique de l’homme, et ce que l’on peut représenter, leur corps. Derrière leur force et leur puissance physique, les corps masculins portent la pression de représentation du phallus. Mais le pénis ne rivalise pas avec le phallus, il y a une nécessité mais impossibilité de représenter l’invisible, le “pouvoir patriarcal et abstrait” selon ces mots. L’image des pin-up masculins sera donc toujours insatisfaisante car elle ne pourra jamais correspondre au fantasme que l’on veut représenter au moment de sa conception.





La représentation passive, soumise et hypersexualisée des femmes pin-up est d’une certaine façon le résultat de la pression masculine sur leurs corps mais aussi de leur puissance symbolique inatteignable. La femme représente la facilité de la mise en scène, elle est simplifiée par sa beauté. La soumission des femmes et leur passivité est une forme d’activité pour les hommes qui chercheraient alors à refouler leur pression en objectifiant les corps féminins.


Enfin, selon Dyer toujours, même derrière les représentations limitées et renfermées des femmes en tant que pin-up, elles restent tout de même d’une certaine manière actives dans leur représentation. Elles posent et se savent regardées, en cela, elles subissent mais aussi s’approprient le regard des hommes en en étant conscientes et actives.



Kommentare


bottom of page