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LAURA MULVEY ET IRIS BREY : SORTIR DU CARCAN DE LA FEMME OBJET DANS LE DOMAINE DU CINÉMA

Dernière mise à jour : 22 mars 2022

Laura Mulvey et Iris Brey sont deux penseuses et écrivaines féministes s’intéressant au regard ou 'gaze'. Leurs écrits ont marqué les études sur le cinéma et le féminisme notamment sur la représentation de la femme. Selon elles, le cinéma n’est pas un objet neutre mais lié aux structures sociales existantes. Ainsi, notre manière de voir dans le cinéma influence totalement nos regards dans la vraie vie. La question qui se pose alors est : Comment changer le langage du cinéma (et celui relatif aux images de manière générale) alors que celui-ci est ancré dans un ordre patriarcal, symbolique ?

Elles revendiquent donc la non-objectivisation du corps de la femme au cinéma. Pour se faire, examinons plus en profondeur le concept de male gaze et celui de female gaze.




« Rompre les attentes normales et confortables dans le but de concevoir un nouveau langage du désir », tel est l'objectif que se fixe Laura Mulvey.

Qu'est-ce que le male gaze :

Dans son essai : Visual Pleasure and Narrative Cinema (1975), Laura Mulvey théorise le concept de male gaze. Pour former ce concept elle aborde la Théorie de l’ordre symbolique et phallocentrique de Freud qui explique qu’inconsciemment, la femme représenterait la peur et l’homme le pouvoir. En représentant la femme, les cinéastes auraient donc essayé de réduire la peur qu’elle évoque chez eux en l’objectivant, la mettant dans une posture de faible, ce qui du même coup renforce le pouvoir de l’homme. Ainsi, la femme devient porteuse de sens et non créatrice de sens.

Si on tente de définir le male gaze, on pourrait dire qu’il s’agit de s’intéresser aux pratiques dans le cinéma qui font de la femme un objet et de l’homme un sujet. Dans le male gaze, on suppose un spectateur homme, on est dans le regard de l’homme et cela devient un système qui va structurer notre regard sur les femmes à l’écran et dans la vraie vie !

Comment cela se manifeste-t-il ? Le personnage féminin est d’abord montré comme un corps morcelé, on détache sa subjectivité en la réduisant à son corps car elle ne doit servir qu’à renforcer celle de l’homme, qu’à montrer en quoi l’homme est plus puissant. Donc, en tant que femme elle ne sert pas à grand-chose, elle est accessoire aux plaisirs masculins dans l’image.


L’exemple de Mektoub My Love : Selon Brey, ce film est radical dans sa démonstration du male gaze car ici, le réalisateur ne cherche même plus à nous faire partager une histoire, un certain regard, ou encore nous mettre à la place d’un personnage. Ici on est parfois dans plus que cela : il s’agit uniquement de « faire plaisir » au spectateur, homme en l’occurrence, en lui donnant à voir des choses agréables. Ces choses sont des minettes en maillot de bain, mais in fine, on sort de l’intrigue du film en quelque sorte.

Néanmoins, l’utilisation du terme « male gaze » n’a pas vocation de censurer, mais de s’interroger sur les pratiques cinématographiques qui sont devenues dominantes. En effet, en tant qu’il est impossible de distinguer comment on voit les femmes dans le cinéma et la vraie vie, l’impact est majeur…



Le concept de female gaze :


Dans son ouvrage Le regard féminin – Une révolution à l’écran (2020), Iris Brey aborde la question du female gaze.


« Un regarde libéré qui invite aux échanges : échanges de regards entre les personnages à l’intérieur du film, mais aussi entre les spectateur.trices et ce qui est projeté à l’écran », définition du female gaze selon Brey.

Le female gaze est une sorte d’opposé du regard masculin, il n’est pas lié au genre mais à l’image faite par le spectateur. C’est un regard qui donne de la subjectivité au personnage féminin. Brey parle de la nécessité d’une expérience féminine, d’un regard qui permet de ressentir l’expérience de l’héroïne en étant positionné à ses côtés, sans pour autant s’identifier à elle. On est avec elle sans être elle.

Concernant cette idée d’accompagnement, celle-ci nait d’une approche phénoménologique féministe, approche qui vise à incorporer le spectateur et son corps, son intimité comme participant à la production des images.

Pour Brey et Mulvey, ce n’est pas possible de ne pas prendre en compte le corps du spectateur, surtout quand le male gaze travaille sur l’excitation du spectateur maculin. Ainsi, prendre en compte la corporéité du spectateur tout comme celle du personnage est un enjeu majeur. En participant au film, on perd cette relation de pouvoir, à savoir spectateur sujet et personnage objet. En clair il s’agit d’une sorte de libération du regard dominant, l’objet étant la femme et sujet l’homme de manière quasi systématique.



On peut donc dire qu’il est précieux d’envisager les films et de manière générale les images pas comme de simples écrans, mais comme une membrane qui amène aux formes matérielles de l’inconscient. La phénoménologie féministe est intéressante en cela, elle regarde le corps comme un sujet en perpétuel changement.



Le test du female gaze selon Iris Brey :

1 / Il faut que le personnage principal s’identifie en tant que femme.

2/ Que l’histoire soit racontée de son point de vue.

3/ Que son histoire remette en question l’ordre patriarcal.

4/ Que grâce à la mise en scène, le spectateur ou la spectatrice ressente l’expérience féminine.

5/ Si les corps sont érotisés, le geste doit être conscientisé.

6/ Le plaisir des spectateurs ne découle pas d’une pulsion scopique.


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